Tribunal administratif de TOULOUSE-ordonnance du Juge des référés du 28 décembre 2016-RG N° 1602937

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2016, et deux mémoires, enregistrés le 12 août 2016 et le 9 septembre 2016, le syndicat intercommunal X demandait au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures de condamner, sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, la société Y en sa qualité de titulaire du lot génie civil, à lui verser, à titre de provision, la somme de 1 475 121,97 euros au titre des pénalités de retard dans le cadre d’un marché public relatif à la réalisation d’une usine de traitement d’eau potable non réceptionnée en raison de l’apparition de soit disant désordres apparus en cours de chantier.

Selon l’Article R 541-1 du CJA, « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie. » 

En présence d’une contestation portant spécifiquement sur le principe de l’obligation de payer, le juge est tenu d’examiner si, en l’état de l’instruction, cette obligation n’est pas effectivement sérieusement contestable.

Une obligation dont l’existence soulève une question de droit présentant une difficulté sérieuse ne peut être regardée comme une obligation dont l’existence n’est pas sérieusement contestable (CE, avis, 3 oct. 2012, n° 360840, Sté Colas Nord Picardie).

Il en résulte que lorsqu’une demande de référé-provision implique de trancher une question de droit soulevant une difficulté sérieuse, le juge des référés ne peut estimer que l’obligation n’est pas sérieusement contestable et accorder une provision (CE, 29 janv. 2003, n° 250345, SA General Electric Capital Fleet Services).

Ainsi, par exemple, la question de savoir si la somme à verser à titre de provision est soumise au taux de TVA de 19,60 % ou de 20,60 % impliquant de trancher une question de droit soulevant une difficulté sérieuse, le Conseil d’État retient, pour le calcul de la provision, le taux de 19,60 % (CE, 17 déc. 2003, n° 250494, Sté Laser).

A cet égard, si le principe « pas de pénalités sans fautes » est indiscutable, il faut aussi que la faute puisse être imputable, en tout ou partie, à l’entreprise sanctionnée ; a contrario, cela signifie que l’Administration devra apprécier au cas par cas si l’entreprise est responsable objectivement, par exemple du non-respect des délais de réalisation des prestations, ou si, au contraire, le non-respect de cette obligation est la conséquence du fait d’une autre personne qu’elle soit intervenante sur le chantier, y compris un maître d’oeuvre en raison des modifications qu’il a pu apporter à des plans de travaux (CE, 14 mai 2008, n° 282312, Collectivité territoriale de Corse), ou tierce par rapport à l’opération.

Le juge appréciera individuellement, pour chaque lot, les retards pour distinguer, pour un même chantier, ceux qui sont la conséquence du fait d’une société tierce par rapport à l’opération et ceux qui, au contraire, sont imputables en tout ou partie à l’entreprise cocontractante (CAA Paris, 12 juin 1990, n° 89PA00253, dpt Val-de-Marne, sté Sud Parisienne de construction), celle-ci devant, lorsqu’elle a contribué à aggraver les retards, supporter une part de ces pénalités (CAA Marseille, 30 mars 2004, n° 02MA00551, Buromag Ugolini).

En l’espèce, le juge des référés va rejeter la demande de provision au motif « qu’une expertise contradictoire est en cours afin de déterminer l’origine et les causes réelles des désordres ayant perturbé le bon déroulement des travaux et l’achèvement des travaux dans les temps ; que, par suite, l’imputabilité des retards de chantier à la société Y n’est pas établie ; que, par conséquent, l’obligation de la société Y de verser, à titre de provision, la somme de 1 475 121,97 euros au titre des pénalités de retard est, en l’état de l’instruction, sérieusement contestable ; »

Jean CORONAT

Avocat associé