Tribunal administratif de BORDEAUX, ordonnance de référé du 21 juillet 2017, n°1702655

Selon la société requérante, il serait apparu que de multiples services de l’acheteur public auraient eu connaissance de données sensibles contenues dans l’offre de la société requérante: la direction générale des finances et de la commande publique ainsi que la direction d’appui aux territoires composée de quatre pôles.

Cette simple multiplicité d’acteurs qui auraient eu à connaître de ces données sensibles, soumis au principe de secret industriel et commercial, démontrerait un manque de diligence de la part de l’acheteur public dans la protection de ces données ayant pu aboutir à des fuites d’informations au profit d’autres sociétés candidates.

Un rappel de l’état du droit s’impose.

L’article 42 II du décret du 25 mars 2016 dispose que : « II. – L’acheteur assure la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon non-discriminatoire selon des modalités fixées par l’arrêté mentionné au I. Les frais d’accès au réseau restent à la charge de l’opérateur économique.

Les communications, les échanges et le stockage d’informations sont effectués de manière à assurer l’intégrité des données et la confidentialité des candidatures, des offres et des demandes de participation et à garantir que l’acheteur ne prend connaissance de leur contenu qu’à l’expiration du délai prévu pour leur présentation. »

La jurisprudence (CE, 14 décembre 2009, SLE France, n°328157) est précise en la matière.

Dans cette décision, la personne publique avait engagé une procédure de mise en concurrence en vue de la passation d’une D.S.P. dans le domaine de la distribution de l’eau potable. Deux concurrents avaient déposé une offre et participaient à la négociation, la Compagnie fermière de services publics et la Société lyonnaise des eaux. La première, ayant vu son offre rejetée, avait engagé une procédure de référé précontractuel. Elle invoquait devant le juge la transmission par l’établissement public de coopération intercommunale délégataire, sous la forme d’une pièce jointe à un courriel, d’un document présentant les principales caractéristiques des offres des deux candidats. Elle ajoutait que dans l’historique de ce message figurait également la reproduction d’un ancien courrier électronique, adressé à l’E.P.C.I. délégataire par un syndicat interdépartemental qui l’assistait dans le déroulement de la procédure et qui lui prescrivait de transmettre à l’ensemble des concurrents ledit document, figurant en pièce jointe. La société requérante en déduisait que l’entreprise retenue avait également été destinataire de cet email et que les informations qu’il contenait avaient porté atteinte à la confidentialité des offres et vicié la procédure.

Ce raisonnement a été pleinement confirmé par le juge du référé précontractuel.

Dans l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 14 octobre 2015 (n° 390968, Région Nord-Pas-de-Calais : JurisData n° 2015-022864 ; Contrats-Marchés publ. 2015, comm. 279, note G. Eckert), un manquement à l’impartialité avait été retenu dans une procédure où un membre de la commission d’appel d’offres avait des rapports de collaboration encore récents avec l’une des entreprises candidates pouvant faire naître un doute sur la persistance d’un intérêt personnel, et où ce dernier avait exercé une influence sur la décision en participant à la rédaction du cahier des clauses techniques et à l’analyse des offres.

Dans l’instance objet du présent commentaire, il n’était pas démontré que des informations auraient été communiquées aux différents candidats ayant postulé à l’attribution de ce marché public.

Aucun pièce versée n’était versée au débat afin d’appuyer ce moyen.

Le raisonnement du requérant se fondait uniquement sur l’organisation informatique mise en place par l’acheteur public.

C’est ainsi que le juge des référés précontractuels a logiquement considéré :

« La société X qui se borne à soutenir que la confidentialité des offres n’aurait pas été garantie en raison, d’une part, de l’existence d’une précédente procédure ayant le même objet et déclarée sans suite et, d’autre part, de la multiplicité des services ayant eu à connaître, par le biais d’un serveur informatique, du contenu des offres aux fins de procéder à leur analyse, n’établit ni même n’allègue la divulgation d’informations de nature à porter atteinte au secret industriel et commercial ou à une concurrence loyale entre les candidats. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 42 II du décret du 25 mars 2016 ne peut dès lors qu’être écarté. »

 

Jean CORONAT

Avocat associé