Adoptée pour transposer la directive européenne du 20 juin 2019, la loi du 15 septembre 2021 a introduit un changement de cap décisif dans le traitement des entreprises en difficulté : l’instauration des classes de parties affectées. Finie la simple logique de sanction, place à une restructuration pilotée, rapide et hiérarchisée, inspirée du droit américain.
L’idée ? Regrouper les créanciers et actionnaires selon la nature de leurs droits, les faire voter, et – en cas de blocage – permettre l’adoption du plan malgré certaines oppositions. Un mécanisme d’apparence technique, mais aux enjeux stratégiques majeurs : imposer un plan à des créanciers récalcitrants, oui, mais sous strict contrôle judiciaire.
Dans ce nouveau cadre, la question des recours devient centrale : comment contester la répartition en classes ? Que faire si une classe vote contre le plan ? Dans quels cas le tribunal peut-il imposer le plan de manière forcée ? Et surtout : quels sont les délais et leviers procéduraux à ne pas manquer ?
Cet article propose une lecture claire et structurée des recours ouverts avant et après l’adoption du plan, en procédure de sauvegarde, de sauvegarde accélérée ou de redressement judiciaire.
Derrière la notion de classes de parties affectées se cache une véritable révolution dans le déroulement des procédures collectives. Là où les anciens comités de créanciers offraient une structure rigide, les classes permettent désormais un traitement différencié mais encadré des intérêts en présence.
L’objectif est triple:
• Rationaliser l’élaboration des plans,
• Accélérer leur adoption,
• Mieux encadrer le pouvoir de blocage de certains créanciers.
Ce dispositif vise à créer un terrain d’entente (forcée, si nécessaire) autour d’un plan de restructuration économique, dans lequel chaque partie voit ses droits réévalués, mais pas arbitrairement.
La définition figure à l’article L. 626-30 du Code de commerce : il s’agit des créanciers ou associés dont les droits sont directement modifiés par le plan. Cela inclut par exemple un créancier dont la créance est rééchelonnée, ou un associé dont la participation au capital est diluée.
Sont en revanche exclus du périmètre : les salariés et les créanciers alimentaires, que le législateur a volontairement placés hors de ce jeu de négociation.
Ce flou relatif autour de la notion de « partie affectée » risque toutefois de nourrir un contentieux important, notamment lorsque certains créanciers s’estimeront injustement exclus – ou inclus – dans une classe donnée.
Trois cas de figure peuvent imposer ou permettre la constitution des classes :
1. Sauvegarde accélérée :
Les classes sont obligatoires. L’entreprise doit avoir tenté une conciliation préalable, et disposer d’un soutien majoritaire à un projet de plan.
2. Franchissement de seuils :
Les classes sont obligatoires si l’entreprise dépasse :
• 250 salariés et 20 millions € de CA net,
• ou 40 millions € de CA net, quel que soit l’effectif.
• Demande volontaire :
En-deçà de ces seuils, le débiteur ou l’administrateur peut solliciter la constitution de classes auprès du juge-commissaire.
Contester la répartition en classes :
L’administrateur judiciaire établit la composition des classes sur la base de critères objectifs et vérifiables. Chaque classe doit regrouper des intérêts économiques comparables et bénéficier d’un traitement équitable.
Toute partie concernée peut contester:
• sa qualification de partie affectée,
• sa répartition dans une classe,
• ou encore le calcul de ses droits de vote.
Délai : 10 jours à compter de la notification. Appel possible sous 5 jours, la cour d’appel statue sous 15 jours.
Lorsque certaines classes votent contre le plan, mais que le tribunal envisage de l’imposer tout de même, des garanties procédurales sont prévues:
1. Recours fondé sur le meilleur intérêt des créanciers :
Le plan ne doit pas mettre un créancier dans une situation plus défavorable qu’en liquidation ou en cession.
2. Recours fondé sur le non-respect de l’ordre de priorité :
Une classe junior ne peut percevoir aucun paiement si une classe senior n’est pas intégralement satisfaite.
3. Recours des actionnaires :
Un détenteur de capital peut contester si le plan lui retire des droits auxquels il aurait eu droit en liquidation.
Les recours doivent être formés par requête dans un délai de 10 jours suivant le vote. Le greffe convoque toutes les parties à une audience. Le tribunal statue dans un jugement unique sur :
• la valeur de l’entreprise,
• le bien-fondé des recours,
• et la validité du plan.
Le jugement arrêtant ou rejetant le plan peut être attaqué par appel, dans un délai de 10 jours à compter de sa notification. L’appel est ouvert à toutes les parties affectées, au débiteur, aux organes de la procédure et au ministère public.
L’instauration des classes de parties affectées a transformé la dynamique des procédures collectives : négociation, hiérarchisation des intérêts, recours encadrés… Ce nouvel environnement exige une maîtrise fine du droit et une capacité d’anticipation constante.
Pour l’avocat, ces évolutions offrent un terrain stratégique d’intervention à plusieurs niveaux :
• en amont, pour conseiller le débiteur ou un créancier sur la constitution des classes,
• au moment du vote, pour défendre des intérêts dissidents ou s’assurer d’une application équitable du plan,
• en aval, pour engager les recours appropriés dans des délais courts et avec des moyens techniques solides.
Ce formalisme exigeant n’est pas une contrainte : c’est une opportunité pour l’avocat d’influencer le cours de la restructuration et de sécuriser la position de son client.
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