TA BORDEAUX, Ordonnance, 30 décembre 2015

Si les fermetures administratives des débits de boissons et des restaurants (article L.3332-15 du Code de la santé publique) s’avèrent dans l’ensemble assez rares, il n’en reste pas moins que lorsqu’elles sont ordonnées, les gérants des établissements concernés se retrouvent confrontés à une perte de revenus brutale à laquelle systématiquement il est difficile de faire face.

Particulièrement redoutées, ces mesures ne sont pas pour autant hors d’atteinte. Les gérants de ces établissements disposent en effet de leviers contentieux dont l’efficacité est à mettre en avant.

C’est précisément ce qu’il ressort d’une récente ordonnance rendue par le Tribunal administratif de BORDEAUX le 30 décembre 2015 qui a eu l’occasion de se prononcer sur un arrêté de la Préfecture qui a ordonné, le 17 décembre 2015,  la fermeture d’un établissement pour une durée de 15 jours au titre de tapage nocturnes et d’un mois au motif de l’absence de détention d’un permis d’exploitation.

45  jours cumulés de fermeture en plein période de fêtes de fin d’année, l’établissement n’a eu d’autre choix que de saisir le juge du référé statuant en urgence afin d’obtenir la suspension de cette décision.

Un premier dilemme s’est présenté quant au choix de la procédure contentieuse à mettre en œuvre, entre le référé liberté et le référé suspension. A grands traits, au-delà de l’urgence qui est commune à ces deux actions, le référé liberté implique de démontrer une « atteinte grave et manifestement illégale » à une liberté fondamentale là où le référé suspension exige « seulement » « un doute sérieux » quant à la légalité de l’acte contesté.

La simple lecture des dispositions du Code de justice administrative permet d’affirmer que, d’une certaine manière, l’exigence du degré d’illégalité est moins forte dans le cadre de la procédure de référé suspension. La jurisprudence l’a constamment confirmé. C’est bien pour autant que c’est cette voie contentieuse qui a été privilégiée devant le tribunal administratif de BORDEAUX.

S’agissant de l’urgence tout d’abord, il convient de rappeler que cette condition est remplie lorsque la mesure litigieuse préjudicie aux intérêts en présence de façon « suffisamment grave et immédiate ».

Il en va ainsi alors même que cette décision n’aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d’annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire (CE, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n°228815).

Dans ce cadre, le juge statue alors au regard des « justifications fournies par le requérant » : il appartient donc à ce dernier d’apporter la preuve de l’atteinte qu’il invoque (CE, 19 janvier 2001, arrêt précité).

Au cas particulier, la démonstration de l’urgence à statuer était principalement fondée sur l’organisation d’un événement par l’établissement le soir du 31 décembre. La preuve a été apportée que près de 70 réservations ont été effectuées de telle sorte qu’une annulation de cet événement constituerait un préjudice particulièrement grave pour l’établissement. Au demeurant, les juges bordelais avaient immédiatement saisi cette problématique en ayant audiencer cette affaire le 29 décembre alors qu’ils avaient été saisis le 24 décembre.

Concernant, ensuite le doute sérieux,  de façon logique le juge a isolé les deux délais de fermeture administrative qui constituent en somme deux décisions distinctes réunies dans un seul arrêté.

Quant à la fermeture de 30 Jours, tout d’abord, le juge du référé a rappelé les dispositions de l’article L.3332-15 du Code de la santé publique aux termes desquelles il est prévu que la fermeture doit être précédée d’un avertissement. Au cas particulier, s’il est acquis que l’établissement n’a pas retiré une lettre RAR émanant de la Préfecture et qui lui aurait permis de présenter ses observations, il n’en reste pas moins que la mesure de fermeture administrative a été prononcée sans le moindre avertissement de telle sorte que le doute sérieux était caractérisé.

Concernant la fermeture de 15 jours, il a été considéré qu’elle s’avérait manifestement disproportionnée eu égard aux faits de tapage nocturne relevés qui étaient isolés et espacés de plusieurs mois.

L’arrêté du préfet a donc été suspendu jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.