SCI et location meublée ne font pas bon ménage

L’été arrive, et pour les heureux propriétaires d’une SCI (société civile immobilière) détenant leur résidence secondaire se pose parfois la question d’une location de la résidence durant une partie de la période estivale.

Attention : cette pratique n’est pas sans risque sur un plan fiscal.

Si en matière de structuration des investissements immobiliers, la forme sociale de la SCI est souvent perçue comme l’alpha et l’oméga, il existe pourtant une situation où cette forme sociale présente de véritables inconvénients et des conséquences dramatiques si celles-ci ne sont pas anticipées : la location meublée.

Par l’effet de la location meublée, le principal risque pour la SCI est celui de l’assujettissement automatique à l’impôt sur les sociétés qui a des conséquences tant sur la SCI que sur les associés.

Les modalités de l’assujettissement automatique de la SCI à l’IS

Les SCI relèvent le plus souvent du régime fiscal des sociétés de personnes lorsqu’il s’agit de résidence secondaire, par opposition au régime fiscal de l’impôt sur les sociétés.

Cela signifie que le résultat (issue pour l’essentiel des loyers diminués des charges déductibles) est déterminé et calculé au niveau de la société, mais qu’il est imposable entre les mains de leurs associés, chacun pour la part lui revenant.

Ce régime s’applique de plein droit aux sociétés dont l’objet est la location d’immeubles nus mais également aux sociétés qui mettent à disposition gratuite le bien immobilier à ses associés ou éventuellement à un tiers.

Cependant, les SCI qui se livrent à une activité commerciale au sens des articles 34 et 35 du Code Général des Impôts (CGI) sont assujetties de plein droit à l’impôt sur les sociétés.

Avant 2017, le caractère commercial de la location meublée constituait plutôt une exception selon l’administration fiscale et la jurisprudence.

En effet, en principe, le contribuable qui se livrait occasionnellement à des opérations de location en meublé était imposé dans la catégorie des revenus fonciers (activité non commerciale).

La question se posait alors de définir le caractère habituel d’une location meublée.

Dès 1989, une réponse ministérielle a pu affirmer que les SCI donnant occasionnellement, de manière saisonnière, durant la période estivale par exemple, des locaux meublés exercent une activité commerciale et relèvent par conséquence de l’impôt sur les sociétés[1].

De son côté, la jurisprudence du Conseil d’Etat est venue préciser que le caractère habituel d’une location ne dépend pas de sa durée mais de sa répétition au cours des années.

Par exemple, la location plusieurs étés de suite par une SCI, même pour de courtes périodes, entraîne sa taxation à l’impôt sur les sociétés[2].

Autrement dit, le seul fait que les locaux soient loués à plusieurs reprises suffit à établir l’exercice d’une activité commerciale [3].

En outre, le fait que le loyer soit modeste ne constitue pas un obstacle à la soumission à l’impôt sur les sociétés [4].

C’est donc le critère de répétition de la location (locations réalisées pendant plusieurs années) qui conditionne l’assujettissement de la SCI à l’impôt sur les sociétés. La faible durée et la perception de loyers modiques sont inopérantes.

Cependant, la doctrine administrative envisage une hypothèse dans lesquelles l’assujettissement automatique d’une SCI à l’IS ne serait pas caractérisé, à savoir l’exercice d’une activité commerciale accessoire qui permet de continuer de relever de l’impôt sur le revenu tant que le montant brut de leurs recettes de nature commerciale n’excède pas 10 % du montant de leurs recettes totales brutes[5].

Depuis 2017, le caractère commercial de la location meublée ne pose plus aucun débat puisque l’article 35 bis du CGI dispose expressément que : « Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après :

(…)

Personnes qui donnent en location directe ou indirecte des locaux d’habitation meublés »

Désormais, le caractère habituel ne constitue plus un critère afin de déterminer la commercialité de la location meublée.

Les conséquences de l’assujettissement automatique de la SCI à l’IS

L’assujettissement à l’IS de la SCI produit des conséquences tant au niveau de la SCI qu’au niveau des associés lesquelles sont défavorables lorsque le bien détenu par la société est une résidence secondaire dont les associés ont la disposition.

Les conséquences pour la SCI

En premier lieu, le basculement de l’impôt sur le revenu à l’impôt sur les sociétés emporte les conséquences d’une cessation d’entreprise.

En principe, il en résulte que deviennent immédiatement imposables :

  • les bénéfices d’exploitation non encore imposés,
  • les bénéfices en sursis d’imposition,
  • les plus-values réalisées ou constatées à l’occasion de l’évènement emportant cession (y compris les plus-values latentes incluses dans l’actif social) et les profits latents compris dans la valeur des stocks.

Néanmoins, les conséquences fiscales de la cessation peuvent être limitées à la seule imposition immédiate des bénéfices d’exploitation non encore taxés, dès lors que certaines conditions sont remplies.

Bien évidemment, par la suite, les loyers perçus par la SCI seront imposés à l’impôt sur les sociétés (taux réduit de 15% jusqu’à 38.120 € et 25% au-delà selon les taux actuellement en vigueur).

En deuxième lieu, au contraire des SCI relevant de l’impôt sur le revenu qui mettent gratuitement leurs locaux à la disposition de leurs associés et pour lesquelles aucun loyer n’est à exiger, les SCI soumises à l’impôt sur les sociétés doivent percevoir un loyer auprès de leurs associés qui se réservent la jouissance du bien. Le montant du loyer doit être égal à celui qui aurait été perçu si le bien immobilier avait été mis en location à un tiers (prix de marché).

A défaut, la mise à disposition gratuite d’un bien immobilier à un associé constitue un acte anormal de gestion, à savoir un acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

La conséquence est que l’administration est autorisée à réintégrer au résultat fiscal de la SCI un montant de loyer théorique correspondant aux prix du marché.

L’existence d’un acte anormal de gestion a aussi des conséquences personnelles sur l’associé qui bénéficie gratuitement du bien immobilier (cf. infra).

En troisième lieu, la cession d’un immeuble par une SCI passible de l’impôt sur les sociétés entraîne l’application du régime des plus-values professionnelles (par opposition au régime des plus-values immobilières des particuliers pour une SCI passible de l’impôt sur le revenu).

Pour rappel, la plus-value de cession d’un immeuble par une société soumise à l’impôt sur le revenu est imposée au taux proportionnel de 36,2% (19% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux actuellement en vigueur).

En outre, un mécanisme d’abattement pour durée de détention permet alors à l’associé de bénéficier d’une exonération totale d’impôt sur sa plus-value de cession, dès lors que le bien immobilier ou les parts d’une SCI sont conservés pendant plus de 30 ans.

Concernant une SCI soumise à l’IS, outre le fait que les modalités d’imposition soient différentes, les modalités de calcul de la plus-value sont spécifiques.

En effet, la plus-value correspond au prix de cession diminué de la valeur nette comptable (VNC) de l’immeuble. Cette valeur est égale au prix d’acquisition diminué des amortissements.

Ainsi, dans le cas où le bien est totalement amorti, la plus-value est égale au prix de cession…

La plus-value est alors comprise dans le résultat de l’exercice de cession et est imposée au taux normal de l’impôt sur les sociétés, s’élevant actuellement à 25 % (avec le bénéfice d’un taux réduit de 15% sur 38.120 €).

Surtout, il convient de relever qu’aucun abattement pour durée de détention ne peut s’appliquer.

Par conséquent, plus un bien est détenu longtemps par une SCI à l’IS plus l’imposition sera élevée contrairement à une SCI à l’IR où cela est inversé.

Les conséquences pour les associés

En premier lieu, lorsqu’une SCI est soumise à l’IS, elle doit en principe percevoir un loyer auprès de l’associé qui use du bien dont le montant doit correspondre à un prix de marché. Dans cette hypothèse, aucune conséquence personnelle n’est à prévoir pour l’associé.

En revanche, la mise à disposition gratuite d’un immeuble par la SCI correspond à un avantage en nature pour l’associé, qui est censé être déclaré dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, imposable au taux global de 30%[6].

A défaut d’être déclaré, cet avantage constitue un revenu réputé distribué.

Il est alors majoré de 1,25 et imposé entre les mains de son bénéficiaire dans la catégorie de capitaux mobiliers au taux global de 30% (sauf option pour le barème mais sans le bénéfice de l’abattement de 40%).

En second lieu, lorsque la société relève de l’impôt sur le revenu, la cession des titres d’une SCI (mais également la cession du bien immobilier) relève du régime d’imposition des plus-values immobilières.

La plus-value est imposée au taux proportionnel de 36,2% (19% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux) et il s’applique un mécanisme d’abattement pour durée de détention permettant une exonération totale au bout de 30 ans.

Concernant une SCI à l’IS, la plus-value de cession des titres de la société relève exclusivement du régime des plus-values de valeurs mobilières et de droits sociaux.

Elle est donc soumise de plein droit à un prélèvement forfaitaire unique de 30% (12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux), ou, sur option du contribuable, au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

En cas d’option pour le barème progressif, la plus-value est diminuée d’un abattement pour durée de détention de 50% si les titres sont détenus de 2 à 8 ans ou 65% s’ils sont détenus depuis plus de 8 ans, à condition que les titres aient été acquis avant le 01 janvier 2018.

En conclusion, il convient d’être extrêmement vigilant lorsque l’on détient sa résidence secondaire au travers d’une SCI et que l’on souhaite réaliser chaque année de la location meublée. Les conséquences fiscales peuvent être désastreuses.

Cela peut amener initialement à renoncer à une structure sociétaire ou à choisir la forme sociale de la SARL avec une option possible à l’impôt sur le revenu (SARL de FAMILLE), solution qui permet de combiner structure sociétaire et location meublée. Là encore, il est nécessaire d’être vigilant sur les conditions de cette option et les conséquences de ce choix.

Le Cabinet AVOCAGIR accompagne les particuliers pour toute question relative à la structuration juridique et fiscale des investissements immobiliers. Découvrez en quoi nous pouvons vous accompagner sur vos enjeux de droit fiscal et droit immobilier

Article co-écrit par Madame Pauline BRUTE DE REMUR sous la direction de Maître Antoine BENDERDOUCH

 

[1] Réponse Ministérielle Mauger n°15286, AN 20 novembre 1989

[2] Conseil d’Etat, 28 décembre 2012, n° 347607

[3] CAA Versailles, 7 février 2017, n° 15VE02918 ; CAA Paris, 3 octobre 2019, n°18PA03648 ; CAA Paris, 15 décembre 2021, n°20PA03579

[4] CAA Lyon, 11 juillet 1994, n° 93LY00429

[5] BOI-IS-CHAMP-10-30 au II-A § 320

[6] Application de la flat-tax (12,8 % en IR et 17,2% en PS) sauf option pour une imposition au barème progressif de l’IR avec le bénéfice d’un abattement de 40%

Antoine BENDERDOUCH

Droit fiscal et procédure fiscale
Droit des sociétés
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