Transformation de SARL en SAS avant cession : gare à l’opposabilité de la transformation à l’Administration fiscale

Dans un arrêt rendu le 6 juillet 2023, la Cour d’appel de Lyon rappelle que la transformation d’une SARL en SAS, en amont de la cession de ses titres1 doit être opposable à l’Administration fiscale afin de bénéficier du régime des droits de mutation applicable aux cessions d’actions. 

L’opposabilité de la transformation de la société à l’Administration fiscale est un sujet auquel il faut porter une grande vigilance. 

En effet, selon qu’il s’agisse de la cession de parts sociales ou d’actions, le traitement fiscal diffère au regard des droits d’enregistrement. 

Ainsi, le taux des droits de mutation à titre onéreux relatif aux cession de titres est actuellement de : 

• 3% lorsqu’il s’agit de parts sociales (après abattement de 23.000 € rapportable au nombre de titres cédés sur le nombre total de titres de la société) 

• 0,1% lorsqu’il s’agit d’actions. 

Le taux peut également être de 5% lorsque la société est à prépondérance immobilière. 

En pratique, outre que pour des raisons fiscales, il convient de relever que la transformation avant cession d’une SARL en SAS est une opération couramment réalisée. 

Présentation de l’affaire 

Par une assemblée générale extraordinaire (AGE) du 24 juillet 2012, la SARL TDA international a fait l’objet d’une transformation en société par actions simplifiée en prévision de la cession intégrale de ses titres à la société CEGID (dont le fondateur et ancien actionnaire n’est autre que Monsieur Jean-Michel AULAS, ancien président de l’OL). 

Le jour suivant, les titres de la SAS ont été acquis par la société CEGID. 

Quelques jours plus tard, la déclaration de cession de droits sociaux a été déposée au service des impôts compétent donnant lieu au paiement par la société CEGID des droits d’enregistrement selon le barème dégressif à trois tranches applicables aux cessions d’actions antérieures au 31 juillet 2012. 

En outre, les formalités d’enregistrement du procès-verbal de l’AGE de transformation ainsi que de publicités n’ont été accomplies qu’en date du 07 août suivant et au cours des mois de septembre et octobre 2012.

Considérant que les formalités de publicité de la transformation de la société n’avaient pas été réalisées à la date de la cession, à savoir le 25 juillet 2012, l’Administration fiscale a considéré que cette transformation lui était inopposable et que, dès lors, les droits d’enregistrement auraient dû être perçus au taux applicable aux cession de parts sociales de SARL, à savoir au taux de 3%. 

Position de la Cour d’appel de Lyon 

La Cour d’appel de Lyon, infirmant la décision des juges de première instance, retient sur le fondement des articles L.123-9 et L. 210-5 du Code de commerce que « les droits d’enregistrement sur la cession des titres devant être liquidés selon leur nature juridique, il convient de rechercher si à la date de la cession, la transformation de la société TDA qui a modifié la nature des titres était ou non opposable à l’Administration […] ». 

En application de ces articles, la Cour rappelle tout d’abord que la nature juridique des titres cédés conditionne le montant des droits d’enregistrements applicable sur les cessions de titre. 

Or, la Cour relève que le changement de forme de société est une opération distincte de l’opération emportant cession de ses titres et qu’en conséquence, l’inscription sur le registre des mouvements de titres des titres cédés ne rend pas opposable à l’Administration le changement de forme de la société cédante. 

Par ailleurs, la Cour relève que l’enregistrement par le service des impôts du procès-verbal de transformation a été réalisé plusieurs jours après la présentation à l’enregistrement des déclarations de cession emportant pour conséquence principale l’impossibilité pour l’Administration d’avoir connaissance de la transformation de la SARL en SAS au jour de la cession. 

La Cour précise ainsi que le dépôt du rapport du commissaire à la transformation au greffe du Tribunal de commerce destiné à l’information des porteurs de parts sur la transformation projetée n’a pas pour effets de faire connaître à l’Administration la transformation de la société puisque non encore adoptée à cette date. En outre, la déclaration de cession des droits sociaux ne fait pas état de la transformation préalable de la société, celle-ci étant présentée comme une SAS. 

Enfin, la Cour rappelle qu’en application de l’article L.123-9 du Code de commerce, les actes sujets à mention au RCS ne peuvent être opposés à l’Administration que s’ils ont été publiés. 

Forte de ce développement, la Cour conclut donc que l’opération de transformation de la SARL en SAS n’est pas opposable à l’Administration fiscale qui était dans l’impossibilité d’en avoir connaissance, faute de l’exécution des formalités de publication préalablement à la cession. 

En conséquence, le tarif dégressif applicable à la cession d’action (0,1%) ne trouve pas application à la présente cession qui devait être taxée en application des dispositions du 1° bis de l’article 726 du CGI (3%) et non du 1° de l’article 726 du même Code. 

Au cas d’espèce, la société CEGID est redevable, suite à l’avis de mise en recouvrement émis par l’Administration, d’un redressement de l’ordre de 75.455 € en sus des intérêts de retard s’élevant à 10.564 €. 

 

A retenir

Il convient par prudence de prévoir un délai raisonnable entre l’opération emportant transformation de la société et l’opération emportant cession de ses titres afin d’anticiper le temps nécessaire aux formalités (enregistrement notamment) pour répondre aux conditions d’opposabilité à l’Administration fiscale. 

Cet arrêt a soulevé quelques inquiétudes auprès des praticiens, notamment sur la question des délais de traitement de l’Administration fiscale. En effet, l’enregistrement d’un acte le rendant opposable à l’administration, il apparaît nécessaire que la jurisprudence prenne position sur la date de réalisation de l’acte opposable. Car si la date retenue est celle de son enregistrement effectif, celui-ci peut intervenir plusieurs semaines après la réception ce qui peut largement différer de la date indiquée dans l’acte ou encore de la date de réception par l’Administration. 

Le Cabinet AVOCAGIR se tient à votre disposition toute question fiscale tenant tant à la fiscalité des entreprises que des particuliers. 

Article co-écrit par Madame Marlée DUBOS sous la direction de Maître Antoine BENDERDOUCH

1 Cass.com., 10 décembre 1996, n°94-20.070, Sté RMC France sur l’admission qu’une telle opération ne tombe pas sous le coup de l’abus de droit, ce qui est validé depuis par la doctrine administrative hormis le cas où la société serait à brève échéance transformée à nouveau pour revenir dans sa forme initiale. 

N.B : Ni la Cour de cassation ni la doctrine administrative ne s’est encore prononcée sur l’application de la procédure de « mini-abus de droit » prévue à l’article L. 64 A du LPF pour ces opérations.  

Antoine BENDERDOUCH

Droit fiscal et procédure fiscale
Droit des sociétés
Droit commercial et des affaires

Accompagnement juridique et fiscal des opérations liées à la blockchain

Articles relatifs