Déni de grossesse

Le cabinet attendait avec impatience la motivation d’un jugement de relaxe rendue par le tribunal correctionnel de Bordeaux (5e ch. Correctionnelle Bordeaux, 05 octobre 2022, minute n°2022/4366), contre lequel le Parquet a interjeté appel.

Dans cette affaire dramatique une jeune femme était poursuivie pour non-assistance à personne en danger, après la mort de son enfant qui venait de naître sans qu’elle ne se sache enceinte.

Dans un premier temps soupçonnée d’avoir donné la mort au nouveau-né, la jeune-femme a subi une année de détention provisoire. La garde à vue avait été menée alors qu’elle était encore hospitalisée à la suite de l’accouchement traumatique, et la jeune femme avait été incarcérée post-partum.

Dans une motivation extrêmement rigoureuse, le tribunal rappelle qu’il ne peut y avoir de non-assistance à personne en danger que pour autant qu’un devoir de secours existe, lequel cesse lorsque la personne exposée à un péril y a succombé avant qu’une assistance ait pu lui être prêtée. Du point de vue de l’intentionnalité, le caractère volontaire de l’abstention, suppose que la personne sur qui pèse le devoir de secours ait conscience de la situation de péril imminent.

Au cas d’espèce le tribunal, reprenant les constatations des experts, note que l’enfant était malheureusement affligé de trois affections qui prises isolément présentaient chacune un potentiel létal (une grave infection pulmonaire contractée in utero, une exposition létale aux toxiques, et une hémorragie consécutive de l’absence de clampage du cordon ombilical). De surcroit, tout indiquait que l’enfant s’était présenté par le siège.

Ces constatations corroboraient les déclarations de la jeune mère qui avait toujours indiqué qu’elle avait cru que le bébé qui n’avait ni bougé ni pleuré, était mort-né.

À partir de l’étude de son dossier médical et des témoignages de ses proches et de son conjoint, le tribunal jugeait encore que la jeune femme, qui pouvait légitimement se penser stérile, était en état de déni de grossesse, lequel « perdurait à tout le moins jusqu’à l’accouchement ». Le tribunal notait encore, qu’à côté de ces éléments d’ordre psychique, s’ajoutait encore l’état critique dans lequel elle se trouvait après avoir perdu beaucoup de sang, qui excluait derechef toute intentionnalité.

Cette décision n’est pas définitive, mais l’extrême soins qu’ont mis les juges à la motiver, permet à notre cliente, dont la vie a subitement basculé avec ce drame et la violence judiciaire qui lui a immédiatement succédé, d’envisager enfin l’avenir avec un peu plus d’optimisme.

Le cabinet tient à rendre un hommage appuyé à notre confrère Maxime Dubois, qui par son investissement sans faille au cours de l’instruction, a rendu possible ce beau succès.

Également, le cabinet tient à remercie madame Sophie Marinopoulos et le professeur Israël Nisand, pour l’immense qualité pédagogique de leurs travaux sur le déni de grossesse, qui ont été de précieux partenaires pour la défense.

Charles DUFRANC

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