Permis de construire – Intérêt à agir – Distance – Concurrent

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES, jugement du 1er juin 2018, N° 1505099

Par une requête, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 23 novembre 2015 et le 16 février 2016, la SARL X, demandait au tribunal d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 20 mai 2015 par lequel le président de Brest Métropole avait délivré un permis de construire à la société Z en vue du réaménagement et de la rénovation du cinéma Y ainsi que les décisions implicite et expresse de rejet de son recours gracieux ;

Selon l’article L. 601-1-2 du Code de l’urbanisme, « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. »

Il en résulte qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci (CE, 10 juin 2015, n° 386121, Brodelle et Gino : JurisData n° 2015-013930 ; JCP A 2015, 547).

Le présent jugement présente un double intérêt en ce qu’il rappelle deux principes relatifs à l’intérêt à agir d’un requérant contre un arrêté de permis de construire :

  • La distance séparant le bien du requérant du terrain d’assiette du projet conditionne l’intérêt à agir,
  • En dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation d’un établissement commercial, celui-ci ne justifie pas d’un intérêt à contester devant le juge de l’excès de pouvoir un permis de construire, délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité (CE, 22 févr. 2002, n° 216088, Sté France Quick SA).

Le recours est rejeté selon la motivation suivante :

« 2. Considérant qu’en dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation d’un établissement commercial, un tel établissement ne justifie pas d’un intérêt à contester devant le juge de l’excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité ;

  1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la SARL X, (…), un cinéma à l’enseigne « W» ; qu’à supposer même que le projet autorisé par le permis de construire contesté puisse être regardé comme étant situé à proximité de l’établissement exploité par la société requérante, ce qui, en tout état de cause, n’est pas le cas compte tenu de la distance de plus de trois cents mètres séparant les deux immeubles, cette circonstance n’est pas par elle-même de nature à conférer à cette société un intérêt à agir à l’encontre de ce permis de construire ; qu’en se bornant par ailleurs à faire état de ce qu’elle occupe régulièrement l’établissement cinématographique qu’elle exploite rue (…) et que le réaménagement du cinéma Y aura un impact significatif sur l’attractivité de son établissement, la SARL X ne soutient pas, et a fortiori ne démontre pas, que les caractéristiques particulières de la construction autorisée par l’arrêté attaqué seraient de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation de son propre établissement ; que, par suite, Brest Métropole et la société Z sont fondées à soutenir que la société requérante ne justifie pas d’un intérêt pour agir et que sa requête doit, pour ce motif, être rejetée comme irrecevable ; »

Jean CORONAT

Avocat associé

Jean CORONAT

Droit des contrats publics
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